C'est avec Emmanuel NATCHITZ que nous entamons ce 1er volet du cycle d'interviews de nos chers BIM Influencers élus lors de la dernière session du concours. Nous avons voulu en savoir plus sur le parcours d'Emmanuel, son implication quotidienne dans l'élaboration de programmes pour les futurs ingénieurs, avec la double exigence des savoirs fondamentaux pour appréhender la numérisation du monde de la construction et en saisir les enjeux, tout en répondant concrètement aux besoins opérationnels du marché du travail. Nous verrons quel est l 'état d'esprit préconisé et comment se positionner pour concilier évolutions technologiques et démocratisation du concept de numérisation.  


Emmanuel, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

De formation, je suis ingénieur géomètre topographe et depuis une vingtaine d'années je travaille dans l'enseignement supérieur. J'ai évolué dans les différentes activités de ce domaine passant de l'enseignement et la recherche, à la direction des études et de la formation. J'ai alterné les profils d'apprenant en passant de la formation initiale à la formation continue. Ces activités m'ont permis de collaborer avec différents réseaux professionnels liés au BIM. Je suis aussi administrateur de Building Smart France ou je m'occupe des questions de formation et de certification de compétences individuelles.


Vous êtes actuellement Directeur du développement au sein de l' ESITC PARIS, en quoi consiste votre mission ?

Mon travail à l'ESITC Paris consiste à créer et à faire vivre des partenariats forts entre l'école et le monde professionnel qui attend nos étudiants. Je travaille avec la direction et la direction des études pour poursuivre leurs réflexions sur les évolutions nécessaires dans une école d'ingénieur en matière de compétences. Je suis aussi responsable d'un incubateur de startups, l'ESI 13, dédié à la smart construction. J'accompagne les porteurs de projet dans leurs parcours d'entreprenariat.  


1. Comment se passe l'élaboration d'un programme de formation, entre l'exigence des savoirs et les attentes concrètes du marché du travail ? Quels sont les leviers vous permettant de trouver le bon équilibre entre les deux ?

Le bon programme de formation est celui qui va permettre à un apprenant d'être toujours « au top » plusieurs années après la fin de sa formation. Les techniques évoluent très vite, les approches, les attentes et les besoins ont, par principe, une durée de vie variable et limitée. Notre rôle est donc d'élaborer des formations qui répondent à plusieurs exigences. La première, et de loin la plus importante, est de former aux concepts et aux idées qui feront que l'apprenant adaptera sa pratique dans le temps. Sur cette base, il faut ajouter le second principe, celui du réalisme de la formation. L'apprenant doit être mis en situation vraie. Pour former correctement, nous devons l'immerger dans son futur professionnel. Pour finir, le dernier grand principe est de positionner l'apprenant face à des outils qui répondent à ses besoins. L'usage d'un outil doit être intuitif et contextualisé. On le découvre en explorant ses contours et en cherchant à dépasser les usages de base. L'outil doit être le prolongement de l'idée. J'utilise un outil pour répondre à un besoin, et non pas l'inverse !


2. La dialectique liée à la numérisation des métiers de la construction ainsi que les concepts tels que smart building, villes connectées, aménagement du cadre de vie, sont-ils dans leur ensemble bien compris ou faut-il sensibiliser encore plus ?

Ces concepts sont souvent mal compris alors mal utilisés. On invoque ces notions avec des degrés d'assimilation divers et les acteurs de la construction ne partagent pas forcément les mêmes définitions et la même maturité de compréhension. La numérisation est un fait majeur de la société actuelle et nous devons en faire une force plutôt que de la subir. Comme toutes les nouveautés, la numérisation dans la construction peut être considérée comme inutile voir effrayante. On se cache derrière des concepts ou des « mythes » qui font peur mais très loin de la réalité. Le numérique ouvre des capacités à développer des changements dans les approches constructives. Ces nouvelles approches permettent de simuler, de modéliser et d'évaluer un projet grâce au partage de données. Les bâtisseurs doivent donc gérer des systèmes d'information pour les rendre efficients. Mieux sensibiliser et former à ces enjeux permettra de passer de l'état d'inutile à celui d'évident.  


3. Comment concilier veille technologique, normative, juridique, technique...avec un programme qui doit nécessairement être constamment à jour ? 

C'est une équation difficile à résoudre ! Un programme de formation doit évaluer les concepts pour mesurer ce qui est du domaine du constant de ce qui est de celui du temporaire. Former un professionnel c'est lui donner les moyens de se remettre en question quand cela est nécessaire. Il doit intégrer des nouveautés. L'échange avec ses collègues, ses supérieurs ou ses collaborateurs permet de suivre les évolutions professionnelles. Dans le monde de la construction, on appartient à une équipe. C'est ensemble que nous devons nous maintenir à jour pour progresser. Les programmes de formation sont faits pour accompagner dans ces démarches.