HEXABIM a eu le plaisir d'interviewer Roland Le Roux, une personnalité inspirante et passionnée, Président de Citae et MBAcity. Entreprise motrice du BIM en France, MBAcity a pour vocation d'accompagner les acteurs du BTP dans leur transition numérique.

À travers cette interview, Roland Le Roux nous apporte son éclairage sur le développement du BIM en France et les enjeux pour les professionnels du secteur.


Roland Le Roux - Président Citae & MBAcity

Roland Le Roux, quel est votre parcours ?

J'ai un cursus d'ingénieur qui s'est très vite orienté vers le bâtiment et la performance énergétique. Après avoir étudié à l'École Centrale de Lyon et à KTH (université suédoise réputée pour ses programmes en lien avec l'environnement et l'énergie), je suis parti aux États-Unis dans le cadre d'un stage et y ai rapidement créé une entreprise avec deux associés. Je suis rentré en France en 2011 afin d'intégrer la société Elan, filiale de Bouygues. Au sein de Bouygues Construction, j'ai ensuite pris les rênes de l'Open Innovation, et participé à la création d'un fonds de corporate venture capital qui avait pour ambition d'accompagner les startups du BTP et de l'immobilier.

J'ai rejoint en 2018 le Groupe BTP Consultants comme Président de Citae et MBAcity. Citae est une société spécialisée dans l'assistance à maîtrise d'ouvrage sur les thématiques de l'environnement et des usages et dans le diagnostic immobilier.


MBAcity s'inscrit en tant que bâtisseur de données d'usage. Qu'est-ce que les données d'usage et quel est le lien avec le BIM ?

Les données d'usage sont toutes les données associées à un projet que chacun renseigne pour l'usage spécifique de son métier. De l'investisseur initial à l'utilisateur final, en passant par la mairie qui octroie le permis de construire, la maîtrise d'ouvrage, les architectes, les bureaux d'études, les entreprises de construction, etc. Chaque partie prenante a un besoin spécifique de la donnée, avec des priorités différentes selon les phases du projet. Le BIM regroupe l'ensemble de ces informations et permet d'exploiter efficacement toute cette data.

Néanmoins, il ne faut pas tomber dans l'excès inverse à vouloir collecter trop de données, notamment les moins pertinentes, et à se retrouver noyé sous un flot de datas. Il faut toujours se demander « À quoi va servir cette donnée ? », « L'investissement nécessaire pour obtenir et mettre à disposition ces données sera-t-il utile et rentabilisé ? ».


Quelle est la vision de MBAcity autour du BIM ?

Nous utilisons la maquette numérique comme un support visuel de données géométriques et comme un contenant pour d'autres types de données (métadonnées). Le plus important sont in fine les données qu'elle contient et la façon de les exploiter. Ce sont elles qui apportent le plus de valeur ajoutée à un projet. Ces informations permettent à terme une bonne gestion du bâtiment tout au long de son cycle de vie, notamment pour l'exploitation-maintenance. Alors que 75 % de la chaîne de valeur d'un bâtiment est enregistrée après la réception des ouvrages, dès le démarrage d'un projet nous réfléchissons à son exploitation en gardant l'utilisateur final au cœur de nos réflexions.

L'ADN de MBAcity est la qualité du service que nous pouvons apporter. Nous adoptons une posture de conseil à l'écoute des acteurs du bâtiment et les accompagnons dans la définition de leurs besoins, en leur proposant notamment des solutions d'optimisation ou d'automatisation.


Quel est votre regard actuel, ainsi que votre vision prospective sur le secteur du bâtiment ?

Le monde de la construction connaît des chamboulements, liés à la crise sanitaire du COVID-19 et à la baisse du nombre de permis de construire octroyés par les mairies. Ces facteurs entraînent le report de certains grands projets et vont continuer d'impacter le marché de la construction de bureaux neufs sur l'année 2021, et probablement en 2022. Ceci étant, cela entraîne d'autres évolutions plus porteuses: les méthodes de travail changent, le télétravail se développe, les espaces de bureaux sont de plus en plus optimisés, la logistique se transforme, etc. 

Le BIM a une très forte carte à jouer dans toutes ces évolutions. Par ailleurs, le marché du BIM double tous les 18 à 24 mois.

Les grands acteurs de la construction, notamment les entreprises générales, se sont appropriés le BIM et l'utilisent fréquemment dans leurs opérations. Pour les grands projets, avec une forte complexité technique ou architecturale, il est même devenu la norme. Une transformation est également en cours sur les plus petits projets et on constate que les architectes et bureaux d'études techniques se dotent en interne ou en externe.
Une autre tendance du secteur de la construction concerne la Réglementation Environnementale 2020. Alors qu'auparavant la réglementation (RT2012) était uniquement thermique, une orientation est en train de s'opérer vers une prise en compte de l'impact carbone des matériaux de construction et des modes constructifs. Grâce à toutes les informations que contient une maquette numérique, nous pourrons y intégrer l'impact carbone de l'ensemble des matériaux. Aujourd'hui, il est déjà possible de modéliser directement à partir de la maquette BIM, les simulations thermiques ainsi que les analyses de cycle de vie. MBAcity est d'ailleurs intervenu sur plusieurs opérations où la maquette BIM a pu être utilisée pour le calcul automatisé du E+C-, notamment avec Urbis.

MBAcity a participé à des projets emblématiques. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Avec Bouygues Immobilier, nous sommes actuellement investis sur le projet Charenton-Bercy, où nous mettons en place une démarche CIM (pour City Information Modeling) c'est-à-dire le BIM à l'échelle de la ville. Il s'agit d'un projet à forte complexité technique et architecturale avec plus d'une dizaine de bâtiments à construire, dont une tour de 180m, et qui réunit de nombreux acteurs. De ce fait, il y a tout un travail d'orchestration afin de fluidifier les échanges et de permettre la bonne exploitation des nombreuses données.

En ce moment également, nos équipes travaillent aux côtés d'Egis et réalisent la synthèse d'exécution BIM sur le projet Eole - prolongement d'une partie du RER E - qui s'inscrit dans le cadre du Grand Paris. C'est un projet technique qui illustre l'apport du BIM et des données d'usage en permettant à différents corps d'état avec de fortes contraintes réglementaires et constructives de facilement échanger et se coordonner.

Un autre projet emblématique sur lequel nous sommes intervenus et qui s'est achevé il y a déjà plus de trois ans est le stade Paris-La Défense Arena. Nous opérions la synthèse BIM et le BIM management au sein des équipes de Vinci, et avons réalisé un travail d'optimisation de la toiture à l'aide du Generative Design.


Quels sont les enjeux de MBAcity pour les 5 années à venir ? Quels seront les créneaux porteurs ?

Durant ces prochaines années, MBAcity va continuer de se développer, de recruter, d'ouvrir de nouvelles agences et, via la hausse de nos projets à l'étranger, nous comptons à terme nous implanter progressivement en dehors de nos frontières.

En plus de toujours garder notre sens du service et de rester un partenaire de confiance pour nos clients, l'un de nos objectifs est de pousser encore plus loin notre utilisation du Generative Design. Aujourd'hui nous l'utilisons pour l'optimisation des parkings avec PARKYZE, une solution qui permet de générer des configurations de parking qui respectent la réglementation, d'optimiser le nombre de places et de diminuer le coût des travaux. Demain, nous appliquerons vraisemblablement cette technologie sur l'ensemble de la conception des ouvrages.

L'une de nos ambitions est également de faciliter l'exploitation et la maintenance des bâtiments grâce aux données d'usage et au Building Operating System (BOS). L'utilisation de la maquette numérique permet un gain de 25 % des coûts de maintenance, mais cela est trop souvent réalisé de façon artisanale. Le BOS permet de centraliser la mise à jour des bases de données d'un bâtiment et d'avoir toutes les informations en temps réel, ce qui facilite la gestion notamment lors des pannes. 

Le BIM est en évolution permanente et nous devons travailler pour continuer de le démocratiser et le rendre beaucoup plus efficace pour tous les acteurs.


Merci à Roland Le Roux d'avoir répondu à nos questions !