Bonjour Rémi, vous êtes Directeur R&D et Innovation chez Groupe GA, pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?

Après avoir intégré l’Ecole Nationale d’Arts et Métiers en 2005 à Talence (33), je suis parti parfaire ma formation d’ingénieur mécanique en Espagne à Saragosse, où j’ai obtenu un double diplôme et où a commencé mon parcours professionnel. En 2008, j’intègre une PME dénommée IASOL, spécialisée dans les installations photovoltaïques industrielles clé-en-main. J’y développe un process PLM de conception mécanique et de fabrication pour la fixation de ces systèmes en toiture.

IASOL devient Teulades Solar en 2009 et passe sous le giron du groupe de construction espagnol PRAINSA. En 2010 nous ouvrons une filiale en France que je dirige pendant 2 ans, durant lesquels nous avons eu la chance d’intervenir sur deux chantiers solaires d’envergure : les usines Renault de Flins et Sandouville, avec pour chacune près de 12 MW installés sur plus de 20 ha… fin 2011, l’aventure s’arrète. PRAINSA fait faillite et nous sommes contraints de fermer.

Je rebondis, et en quelques semaines je trouve un poste de concepteur mécanique chez GA, que j’intègre en février 2012. Jusqu’en 2014, je suis chargé de mettre en place un process PLM pour la conception et la fabrication des modules de traitement d’air du groupe. J’assure également la conception mécanique de ces appareils au sein d’une équipe pluridisciplinaire, avec laquelle nous nous rodons au travail collaboratif.

Juin 2014, fort de cette expérience et d’une compétence BIM développée en interne sur les produits préfa béton, on me propose de développer et mettre en place le process FullBIM by GA. C’est le début de l’aventure.

Aujourd’hui, une équipe est en place, et j’ai repris la Direction de la R&D et de l’Innovation au sein du groupe.

 

Comment le BIM a-t-il fait son incursion chez Groupe GA ? Pourriez-vous nous citer les projets réalisés avec le BIM ?

Nous sommes venus au BIM parce que ce process répondait d’abord à nos besoins d’industriels. Comme je le disais précédemment, nous avions une expérience PLM qui a été reconduite sur nos produits préfa avec l’outil Tekla Structures depuis 2008.

Ce process complet intègre aujourd’hui tous les métiers depuis le BE jusqu’au chantier en passant par les méthodes et nos usines. La maquette structure devient alors une base de données unique qui nous permet de coordonner nos fabrications et de cadencer nos chantiers, en maitrisant quantité, coûts et délais.

Avec l’avènement des outils de modélisation et de coordination, et en se rendant compte de la valeur qu’a une maquette « As-Built » pour un client qui va vivre dans son batiment, nous nous sommes posé la question suivante : « si nous savons gérer nos produits industriels de cette manière, pourquoi ne pas franchir un cap et gérer nos bâtiments comme nos produits industriels ? ». Nous sommes en juin 2014, et c’est le début de l’histoire. Dès lors, 6 mois de test ont été menés sur notre siège, sur les outils, les process et la calibration de l’ensemble pour aboutir à un protocole BIM concret, agnostique et applicable. Fin 2014 nous étions prêts à démarrer.

En 2015, trois projets phares ont été lancés et ont permis de tester le process à échelle réelle, chacun avec une configuration d’équipe différente :

 

Le campus Thales est un projet « locomotive » chez Groupe GA, pourriez-vous nous dire un peu plus sur ce projet et en quoi le BIM vous a servi concrètement ?

 

L’ensemble immobilier réalisé par GA à Bordeaux pour le Groupe Thales accueille sur 60 000 m² quelque 2 500 collaborateurs. Le site voit se dresser six immeubles de bureaux, reliés entre eux par un rez-de-chaussée commun visant à favoriser la circulation et l’échange. Côté service, un immeuble entier intègre le restaurant d’entreprise, un business center, le comité d’entreprise, une conciergerie, un showroom et de nombreuses salles de réunions. L’ensemble des équipements techniques du site est regroupé dans un bâtiment à part. Un parc de stationnement végétalisé comprend 1 850 places dont 150 places pour les deux roues. Ultra-moderne et de haute qualité environnementale, le campus est certifié HQE® et BREEAM.

Le projet a été réalisé à l’aide du process FullBIM®, développé par GA. De nombreuses solutions de modélisation y ont été utilisées. Par ailleurs Trimble Connect y a été déployé comme plateforme collaborative du projet. Le principe est de mettre en relation les différentes entreprises travaillant sur le projet autour d’une maquette compilée TCE unique au format IFC. On assure dès lors la collaboration active de chacun des intervenants, qui disposent en temps réel des informations à jour du projet. La maquette compilée évolue dès lors jusqu’au récolement au réel pour restituer un DOE BIM complet au maître d’ouvrage THALES, socle de l’exploitation du bâtiment.

Le principe de collaboration sur ce projet a été le suivant :

 

15 entreprises ont collaboré sur ce projet et pas moins de 215 modèles ont été compilés et c’est juste impressionnant, quelle était votre stratégie pour réussir cette collaboration ?

La stratégie pour transformer l’essai était simple : aller à l’essentiel. Nous avons dès lors choisi l’IFC comme format d’échange standard dans le process et analysé avec chaque entreprise ce qu’elle était en mesure de fournir. Nous les avons dès lors accompagnées pour que chacune puisse livrer des modèles ayant les données au bon endroit et une représentation suffisante de leur ouvrage. Le but étant que chacun puisse intégrer ces contraintes à son process de la manière la plus transparente possible, en conservant la construction comme priorité. Parce qu’avoir une belle maquette et pas de bâtiment, ça ne sert pas à grand-chose…

Chaque entreprise avait sa zone de travail sur Trimble Connect, et l’équipe de BIM Management avait pour mission de tenir à jour le modèle compilé, s’assurer de la cohérence spatiale et de la structure de données de chacun des modèles, et de rebasculer toute l’information dans un « Master Model » pour que chacun puisse travailler en contexte au jour le jour.

Ci-après un schéma décrivant ce process aujourd’hui rodé :

 

Quelles sont les solutions utilisées par métier ? Et la plateforme collaborative ?

Les principales solutions utilisées en modélisation par métier :

Les solutions utilisées pour la collaboration et la synthèse :

 

Dans tous vos projets vous avez fait le choix d’utiliser Tekla Structures comme solution principal et ce n’est pas par hasard, pourriez-vous nous dire pourquoi ?

Le virage du numérique au sein d’Omega, BE Gros Œuvre de GA, a été pris dès 2008. Le choix de Tekla s’est rapidement imposé. L’objectif était d’améliorer l’ensemble du process interne de production, en lien étroit avec les usines de préfabrication du Groupe, en basculant progressivement tous les projets sur une base Maquette Numérique. En quelques mois l’essai a été transformé.

Pour la modélisation, l’ensemble des composants standards de la gamme GA a pu être intégré à une bibliothèque unique, en allant du simple insert au profil de poutre, en passant par les cadres de ferraillage, afin de décrire précisément chacun des procédés constructifs au sein de chacun des ouvrages modélisés.

Pour les méthodes, chaque bâtiment modélisé constitue une base de données complète pour alimenter le process productif en usine. La planification de chaque composant est intégrée (dates de diffusion, fabrication, livraison, attribution d’usine…), et le lien entre BE et usine est direct. L’ouverture de Tekla a en effet permis le développement de macros spécifiques entre la maquette et les outils de gestion de production, rendant l’information unique et assurant la bidirectionnalité entre les équipes projet et les compagnons à l’atelier. La gestion du matériel de chantier (étaiements, voies de grues…), l’occupation des outillages en atelier et la programmation des machines de cintrage d’acier sont à l’étude et/ou en cours de déploiement.

Pour l’exécution, Tekla, du fait de son ouverture et de la qualité de ses exports IFC, permet une interopérabilité maximale avec les autres corps d’états lors de la synthèse et de la réalisation, en atteignant un niveau de maturité élevé du BIM.

 

L’industrialisation et la préfabrication sont au cœur de l’ADN de l’entreprise, comment le BIM vous aidé dans votre démarche ?

L’intérêt majeur de Tekla a été de pouvoir piloter la production en usine directement à partir des informations entrées dans les modèles pendant la phase d’études. Outre le fait de pouvoir faire communiquer la maquette avec les outils internes de suivi de production, la 3D apporte un support visuel de qualité à la compréhension des tâches à réaliser en atelier par les compagnons. Chacun des plans édités comporte un visuel en perspective du composant à fabriquer, et son pendant numérique visualisable sur écran. Résultat : moins d’erreurs et une meilleure maîtrise des matériaux mis en œuvre

 

Quel est l’impact de la maquette numérique sur le chantier et l’avancement des travaux ?

L’utilisation de la Maquette Numérique a eu un impact non négligeable sur la tenue des délais et la qualité des ouvrages. L’intégration des équipes Travaux au process FullBIM® a permis de définir un protocole complet de support à la synthèse et à la réalisation par l’équipe de BIM Management. Outre le fait de cibler les informations à remonter en fonction des besoins, les équipes BIMées ont accéléré leurs prises de décisions en réduisant fortement les risques de non qualité, notamment dans les zones techniques complexes.

L’apport de la 4D via Tekla a conduit les intervenants à repenser leur manière de suivre l’avancement du projet, en ayant la possibilité d’accéder à une information pertinente en toute circonstance. En d’autres termes, là où l’on éditait des plans renseignés manuellement sur l’avancement des études/de l’exécution, aujourd’hui l’outil est capable de le faire pour nous de manière beaucoup plus visuelle et en temps réel. La possibilité de filtrer les éléments visibles en fonction de la date y est un vrai plus, car en un coup d’œil on peut détecter une anomalie dans l’approvisionnement et la réalisation des ouvrages.

 

Qu'en est-il de la phase exploitation ? Servez-vous de la réalité augmentée dans vos projets ?

La phase exploitation est encore peu mature. De nombreuses demandes nous sont formulées sans cohérence apparente d’un projet à l’autre. En revanche nous sommes convaincus que la valeur du BIM se situe ici : On conçoit un bâtiment en quelques mois, on le construit en quelques mois ou années fonction de sa taille, mais surtout on y vit pendant plusieurs dizaines d’années ! Donc avoir une source de données d’exploitation fiable dès la remise des clés plutôt qu’une pile de papier qui va croupir dans un local d’archive… ça change la donne !

Nous proposons donc un DOE BIM packagé, basé sur l’association de modèles natifs et extraits en IFC avec une bibliothèque de fichiers plats, stocké sur Trimble Connect. Ce support ouvert peut dès lors servir au développement de solutions d’exploitation.

La réalité augmentée vient bousculer l’ordre établi, et permettra demain de naviguer dans un bâtiment, littéralement en « voyant à travers les murs » et en étant capable d’interagir avec l’environnement virtuel en contexte pour accéder à de la donnée pertinente pour l’opération en cours. Nous y travaillons activement, en sortant même du cadre du BIM.

 

Vous êtes en charge de la R&D et de l’innovation chez Groupe GA, quelles sont vos axes de développement majeurs en plus du BIM ?

La R&D et l’innovation adressent aujourd’hui de très nombreux sujets chez GA. Procédés constructifs, produits, services, process… grâce aux nouvelles technologies (IOT, BIM…) toutes les lignes bougent à un rythme effréné et il nous faut être en capacité à répondre à des problématiques très diverses et nombreuses, tout en gardant une vision à long terme nous donnant une longueur d’avance.

Quelques exemples :

 

Quels conseils donneriez-vous aux personnes travaillant sur des projets de la phase conception jusqu’à la gestion ?

Libérez vos chakras, et croyez aux nouvelles technologies ! Elles ne sont pas là pour vous freiner mais pour vous faire gagner en productivité en vous concentrant sur l’essentiel.

 

Un dernier mot ?

Le BIM peut être un vrai fil rouge pour tous les métiers liés à la construction. De son acceptation dépend l’avenir de notre filière. Alors Foncez !

 


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