Editée en 2019, l'objet de la thèse de Henri-Jean GLESS est "de proposer des pratiques agiles de gestion de projet pour la conception architecturale collaborative afin de permettre aux acteurs de cette collaboration de s'approprier le BIM et les nouvelles pratiques numériques". Il sera donc question d'assistance à communication et de coordination en environnement collaboratif, de l'acte de concevoir. L'objectif est de dresser les méthodes, pratiques et outils en tant que solutions permettant de générer une "intelligence collective"

En effet ce ne sont pas les moyens d'utiliser le BIM qui sont l'objet de la recherche mais les méthodes pour aborder une transition numérique efficiente : "La transition numérique en architecture concentre actuellement ses efforts de recherche sur les outils et les processus et non pas sur les différentes manières de les appréhender. D'autres secteurs industriels ont fait face à des changements dans leurs manières de concevoir et gérer leurs projets. Je me suis intéressé aux solutions qui ont émergé pour faire face à ces changements. Nous pouvons citer les méthodes orientées processus, la famille des méthodes Lean, ou encore les méthodes agiles."

La méthode AGILE au service des actions collaboratives : 

"Cette recherche soutient que l'insertion de pratiques agiles de gestion de projet, inspirées du domaine du génie logiciel, dans un environnement BIM en phase de conception architecturale collaborative peut améliorer la communication et la coordination entre les acteurs et par conséquent, contribuer à l'appropriation des nouvelles pratiques numériques, telles que l'utilisation du BIM."

La thèse de Henri-Jean Gless est articulée autour de deux grands thèmes développés dans sa thèse :

  1. Contexte des pratiques collaboratives en conception architecturale
  2. Propositions de pratiques BIM-agiles

Henri-Jean Gless
Docteur en sciences de
l'architecture et BIM Manager


Partie I : Contexte des pratiques collaboratives en conception architecturale


Les 5 modèles du BIM

Le BIM "est une complexification collaborative de la CAO et consiste donc à renseigner un modèle géométrique avec des informations, et ce par l'ensemble des acteurs d'un projet architectural. Il s'agit d'un procédé de travail collaboratif reposant sur un modèle numérique.(…) (Gallas & Halin, 2016) proposent plusieurs modèles de BIM :

  1. Le modèle géométrique : les composants sont des surfaces, des segments ou des points. Il n'y a aucun sens « métier » pour les outils numériques.
  2. Le modèle sémantique : les composants sont des objets représentant des ouvrages (mur, dalle, menuiserie) décrits par leur géométrie (hauteur, largeur, longueur et position).
  3. Le modèle enrichi : les composants sont enrichis d'informations supplémentaires nécessaires à leur mise en œuvre, leur simulation, leur exploitation ou leur maintenance (couleur, prix, masse volumique, etc.).
  4. Le modèle partagé : nous trouvons des services d'accès au modèle numérique et les composants peuvent être associés à des activités et donc à des acteurs.
  5. Le modèle de processus : les composants, les activités et les acteurs sont décrits au sein d'un enchaînement.

Le modèle numérique BIM, ayant pour finalité d'être partagé entre les acteurs de la conception, est donc par essence collaboratif. Il existe cependant différentes manières de partager ce modèle et les informations qu'il contient, les acteurs pouvant échanger des fichiers contenant leur version incrémentée du modèle numérique, ou bien travailler directement sur le même document.


7 raisons de la méfiance des architectes vis-à-vis du BIM

Au-delà de la spécificité des agences d'architecture en France, (…) Il n'est pas rare d'entendre des architectes dire qu'ils ne veulent pas passer au BIM, et ce pour plusieurs raisons. Nous avons réalisé des entretiens avec des architectes: libéraux, chefs d'agence, diplômés d'État, ou encore étudiants. Nous avons pu identifier sept raisons qui peuvent expliquer la méfiance vis-à-vis du BIM :

  1. Nous trouvons d'abord la résistance à l'utilisation de l'ordinateur, parfois chez des personnes qui ont déjà accepté d'utiliser la DAO, mais qui refusent le passage à la CAO et encore plus au BIM, trouvant l'utilisation ordinateur « trop froid, pas assez sensible ».
  2. Ensuite vient la méconnaissance du BIM. Ces personnes ont peur des changements négatifs que pourrait apporter le BIM. Cela concerne par exemple le fait de ne pas savoir ce que peut apporter la technologie en matière de rapidité et de facilité de modélisation, ou encore de ne pas savoir en quoi consiste la réalisation d'une « tâche BIM », ou des nouvelles tâches engendrées par le BIM.
  3. Nous trouvons ensuite la peur de la perte de la vision globale que peut avoir un architecte sur un projet. L'idée est que si d'autres acteurs sont impliqués plus tôt dans le processus de création, et a fortiori autour d'un fichier numérique partagé, l'architecte perdra son pouvoir de coordinateur.
  4. Viennent logiquement ensuite les questions de responsabilité quant à ce qui est modélisé dans le fichier numérique, en cas de litige, ou d'erreur de conception.
  5. Des questionnements quant à l'implémentation, à la perte de temps provoquée, voire de l'échec de l'implémentation.
  6. Viennent ensuite les craintes quant à l'exploitation des outils BIM, la formation ou le recrutement de collaborateurs maîtrisant ces outils et donc du coût en ressources humaines.
  7. Le coût de l'investissement en matériel."

Henri-Jean Gless conclut que les réticences des architectes vis à vis du BIM sont de l'ordre de "la coordination et la communication au sein des agences d'architecture."


Partie II : Propositions de pratiques BIM-agiles


Qu'est-ce qu'une pratique architecturale agile ?  

Nous pouvons donner la définition suivante de ce qu'est une pratique agile en conception architecturale :

Il s'agit d'une pratique ayant pour finalité la satisfaction du client, en se focalisant sur les quatre valeurs ainsi traduites pour la conception architecturale :

  • l'intelligence collective
  • réalisation de livrables 
  • l'intégration du client 
  • l'adaptation au changement

Ces valeurs se focalisent principalement sur l'amélioration de la communication interne et externe et sur la coordination entre les membres de l'équipe de conception. Une pratique agile en conception architecturale est donc une pratique qui favorise les activités d'élicitation, de raffinement et d'évaluation des intentions architecturales et des tâches de conception.

L'objectif est d'insérer ces pratiques agiles en conception architecturale afin d'améliorer la collaboration en outillant la communication et la coordination dans un groupe de conception pour permettre une meilleure appropriation du BIM et in fine, l'acte de concevoir collaborativement en architecture."


Identification et sélection de pratiques agiles dédiées à la conception BIM  

Parmi les diffèrentes méthodes AGILE existantes (détails dans la thèse), un travail d'analyse a été effectué en vue de dégager des modèles d'agilité compatibles avec l'activité de conception collaborative architecturale en BIM.

"Trois pratiques agiles issues du génie logiciel et de différentes méthodes telles que RAD, XP ou Scrum ainsi qu'une pratique issue de l'ingénierie d'innovation ont été sélectionnées. Ces pratiques sont le stand-up meeting, le planning poker, la matrice de Suh et le rôle de facilitateur (BIM-agile coach)."

Après expérimentation de ces méthodes AGILE, il apparaît que l'agilité sert l'équipe architecturale dans son appropriation du BIM en apportant fluidité, coopération, implication du client et souplesse.

"Le mélange de ces trois premières pratiques agiles (le BIM-agile coach n'étant pas explicitement présenté aux étudiants comme faisant partie des expérimentations) permet d'améliorer la communication et la coordination en conception architecturale collaborative tout en proposant un rythme facilité de livrables à destination du maître d'ouvrage. (…)

L'amélioration de la communication et de la coordination dans un groupe de conception architecturale collaborative, par le biais de pratiques agiles qui favorisent l'élicitation, le raffinement et l'évaluation des intentions et des tâches de conception BIM, nous permet d'affirmer qu'une meilleure appropriation de la technologie BIM est alors effective."


Le stand-up meeting : un exemple de pratique AGILE

Il s'agit, pour simplifier, d'une pratique où tous les collaborateurs prennent 10 minutes, chaque matin (ou du moins assez fréquemment) pour répondre à ces 3 questions :

  1. Qu'est-ce que j'ai fait hier ?
  2. Que vais-je faire aujourd'hui ?
  3. Est-ce que je rencontre des problèmes ?

Chacun répond à tour de rôle. Le but du stand-up meeting (réunion debout) est de prendre connaissance de ce que font les collègues, de faire le point sur les missions de chacun et de demander de l'aide si besoin.


Concrètement ? 

Site du CRAI : http://www.crai.archi.fr/agile/index.html

Pour en savoir plus sur les pratiques BIM-agiles, à savoir :

  • Le stand-up meeting
  • Le micro poker
  • La matrice de conception
  • Le BIM-agile coach

Conclusion 

"Nous avons proposé dans ce travail de recherche (…) des solutions d'assistance à la communication et à la coordination dans un groupe de conception collaborative."

"La proposition d'une méthode de sélection de pratiques adaptées à la conception architecturale, ainsi que les quatre pratiques en étant issues, constituent un travail de recherche inscrit à la fois dans un contexte pédagogique et dans le contexte du laboratoire du MAP-CRAI.

Ces quelques perspectives de recherche devraient permettre d'enrichir la méthode d'identification, de sélection et d'évaluation des pratiques agiles dédiées à la conception architecturale BIM tout en vérifiant l'apport de ces pratiques agiles en vue d'une meilleure appropriation du BIM par les acteurs de la collaboration.

Elles constituent également des opportunités de recherche à court et à long terme à travers la mise en place d'un projet de recherche, d'un post-doctorat ou bien encore d'un sujet de thèse complémentaire. "